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Le #9- Janvier 2004


 
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Par auteur
 
 

Another Day In Paradise Experience

Petit à petit, j’augmentais les doses de café jusqu’à sentir le doux écoulement du sang venant de mon nez.
Les traits tirés, de larges poches sous mes yeux rappelaient une esthétique particulière et dans le métro, dans la rue, j’affichais sans vergogne et avec arrogance ma face aux gens en bonne santé, les joues roses et le bide bien enflé.
Les cachets de Guronzan coulaient délicatement dans mes veines. Ma veine sous la tempe gauche battait un rythme hypnotique, la hardtek du XXI° siècle, et je tapotais mon volant de petits gestes frénétiques.
Et voila, encore une fois, le feu était rouge et je me retrouvais coincé par une horde de connards qui n’avaient rien de mieux à foutre que de me bloquer le passage. Une vieille s’engagea sur la voie, et lorsqu’elle fut devant ma caisse je fis rugir le moteur. Sa tête effrayée me convainquit que le monde n’était pas si pourri que ça. En y réfléchissant, je savais que tôt ou tard je me ferais une vieille. Je savais qu’aussi l’important n’était pas de savoir si mais quand. Rien qu’à l’idée ma queue se dressait de tout ce vermeil étalé sur la chaussée.
J’aurais voulu être sniper à Sarajevo, avoir dans mon viseur ces pauvres gens pathétiques et vides, j’aurai voulu être G.I au Viet-Nam à traquer du viet dans les tranchées avec un couteau entre les dents. Sentir l’odeur du napalm avec les croissants, sentir la vie à chaque instant. J’aurais voulu être le soldat qui harcelait le christ alors qu’il montait le mont Golgotha, lui enfournant ma lance dans les mollets pour activer ce petit renégat, et j’aurais souri, j’aurais souri de sa couronne d’épine lui crevant les yeux.
Le problème, c’est que j’aurais voulu. Je faisais un taf quelconque comme tant de gens quelconques -un journaleu de plus en france, pas de quoi s'appesantir- et tout d’un coup le vide d’une vie passée à accumuler les amis, les cadeaux, les fours micro-ondes, les trousses de toilettes, les briquets, le nouveau portable, le dernier cri de l’informatique, tout cela ne valait plus rien. On se regarde dans la glace un matin, et ce qu’on voit, on ne le veut pas. Lapider les gens à coup de petits mots nauséabonds et diffamatoires ne suffisait plus à insuffler un poil de d’envie. Mon malheur à moi, petit rejeton de la classe moyenne, héros ordinaire des restes de l’état providence de 1960, c’est que je n’avais pas souffert. Ma génération, amorphe, avait oublié les mots simples et la saveur de la privation. On était tous proprets et sans danger, tant on était occupés à consommer ce que l’usine à rêves nous proposait. La télé nous suffisait à nous faire croire qu’on pouvait sortir du morne quotidien, des peuplades exotiques et des vrais mecs qui en souffraient défilaient à l’écran, mais au fond, je m’en foutais, je m’en branlais de ces images en deux dimensions censées déclencher le flot d’émotions propres à l’apitoiement et la pitié.
Avant de m’endormir, j’avalais quelques somnifères pour contrebalancer tous les excitants, et une pensée vint à mon esprit, alors que j’allais encore profiter d’un sommeil sans rêves. Je ne veux pas mourir sans cicatrices.
à suivre